hervé boéchat
La guerre, matrice des droits de l’enfant ?
Le Musée international de la Réforme à Genève propose une exposition titrée « Déflagrations », qui présente 140 dessins d’enfants pris dans les tourments des conflits ayant affecté le monde depuis plus de 100 ans.
Cent ans, c’est aussi l’âge de la Déclaration de Genève sur les Droits de l’enfant, document fondateur porté par Eglantyne Jebb. Marquée par les souffrances subies par les enfants pendant et après le Première Guerre Mondiale, elle s’engage dans un travail de plaidoyer en faveur de l’enfance, jusqu’à faire adopter cette déclaration le 23 février 1923, par l’Union Internationale de Secours aux Enfants, puis par la Société des Nations le 26 septembre 1924. Ce court texte de 5 articles jette les bases d’une reconnaissance des besoins et des droits spécifiques des enfants. Bien qu’elle ne soit pas contraignante juridiquement, la Déclaration, dont le document original figure en tout début de l’exposition précitée, va ouvrir la voie à la Déclaration des Droits de l’Enfant adoptée par les Nations Unies en 1959, puis à la Convention relative aux Droits de l’Enfant de 1989.
L’exposition offre ainsi une double entrée de lecture. En tant que telle, elle a été conçue par l’association française « Déflagration » dont les objectifs sont de « rendre hommage à l’acte de dessiner de ces enfants (…) », d’« identifier et protéger les créations graphiques des enfants (…) » et de « partager et étudier ces récits graphiques, afin qu’ils prennent part au défi d’humanité, à la documentation sur les violations des droits humains, au plaidoyer pour le respect des droits des enfants dans le monde, à la construction et à la transmission d’une mémoire plurielle des sociétés ». Ce travail unique confronte le visiteur à des dessins émergeant d’une multitude de conflits, de la révolution russe jusqu’à l’Ukraine, en passant par la Shoah, les guerres de décolonisation, les guerres civiles, etc. Une scénographie très documentée accompagne chaque dessin, recontextualisant son histoire.
Lier cette exposition à la Déclaration de Genève ouvre également la réflexion sur les liens entre ces périodes noires de l’humanité et les initiatives de progrès qui les ont parfois suivies. Tout comme la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme s’impose après la Seconde guerre mondiale, la Déclaration de Genève s’inscrit clairement dans les suites de la Première. Dans cette perspective, il est troublant de relever que le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre du président russe Vladimir Poutine, porte sur l'accusation de crime de guerre pour la déportation illégale d'enfants d'Ukraine vers la Russie. Les crimes commis contre les enfants causeront-ils la chute du régime ? Nul ne le sait, toujours est-il que c’est bien ce crime-là (parmi tant d’autres) qui a été reconnu par la Cour.
Les droits de l’enfant sont décidément une chose sérieuse.
Exposition « Déflagration », du 27 avril au 27 août 2023.
A mon avis, la visite est accessible aux enfants dès 12 ans qui doivent être accompagnés.
Voir également sur le thème:
"Comment les dessins d’enfants racontent la guerre et l’exil"

dessin de Noé