Ancien pays d’origine, le Chili fait face à son passé

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Face aux questions que soulèvent les pratiques irrégulières ayant affecté l’histoire de l’adoption internationale, certaines postures manichéennes ou peu informées ont tendance à accuser pays d’accueil, agences d’adoption et parfois même parents adoptifs de porter seuls la responsabilité des errances du passé. Si ces derniers ont certainement pêché par aveuglement, une lecture exhaustive des contextes et des périodes concernés démontre qu’une part importante de cette responsabilité repose également sur les pays d’origine.

Le 10 janvier 2023, la Chambre Basse du Parlement Chilien a adopté une résolution demandant que soit établie une commission pour la vérité et les réparations en faveurs des enfants adoptés à l’étranger et de leurs familles, qui ont souffert des adoptions irrégulières réalisées depuis les années 50 jusqu’au début des années 2000.

Rappelons que l’histoire de l’adoption internationale au Chili est très liée aux années durant lesquelles le pays était soumis à la dictature militaire dirigée par le général Pinochet (1973-1990). En ayant massivement recours aux disparitions forcées d’opposants politiques, en discriminant les minorités indigènes et les classes sociales les plus défavorisées, et avec le soutien d’une église catholique ultraconservatrice, le pouvoir avait à sa disposition des milliers d’enfants « orphelins ». Conscient de son « déficit d’image » à l’international, il a ouvert le pays à l’adoption internationale, espérant ainsi donner au monde un visage plus humain du régime. Ce sont ainsi des milliers d’enfants qui ont été adoptés dans les pays occidentaux, en Suède, en France (voir par exemple le livre témoignage de Dominique Granges), aux Etats-Unis, etc.

Depuis quelques années, la société civile chilienne (en particulier les familles des enfants adoptés) ainsi que les adoptés d’origine chilienne se sont mobilisés pour demander à ce que la lumière soit faite, tant au Chili que dans les pays d’accueil, sur les conséquences de ces pratiques. La décision du 10 janvier vient apporter une réponse à ces revendications légitimes.

Si le contexte chilien présente ses propres particularités, les démarches mises en œuvre constituent à mes yeux une avancée fondamentale dans la compréhension de l’histoire de l’adoption internationale et de ses conséquences. Il est en effet essentiel de pouvoir associer les pays d’origine dans les processus de recherche de vérité qui émergent dans les pays d’accueil depuis quelques années. Les graves irrégularités qui ont affecté l’adoption internationale ont pu se développer grâce à des contextes nationaux qui étaient soit insuffisamment équipés pour gérer correctement des demandes massives d’enfants adoptables, soit prêts à instrumentaliser l’adoption à des fins politiques et criminelles. Dans tous les cas, c’est la conjonction de multiples facteurs qui a permis le développement de procédures abusives qu’il convient aujourd’hui de reconnaître. L’engagement du Chili en ce sens est exemplaire, et il est à espérer que d’autres pays, d’origine mais aussi d’accueil, puissent suivre son exemple.

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